Thursday, February 8, 2007

Fin de l'expédition ASPI 2006/2007

Voilà, j'ai quitté Scott Base la nuit dernière pour la Nouvelle-Zélande. Me voici donc à nouveau à Christchurch. Nous avons profité de ces derniers jours avant notre départ de la base pour effectuer certaines analyses biologiques préliminaires. Ces dernières doivent être menées relativement rapidement après l'échantillonnage sur le terrain, afin de ne pas briser la chaîne du froid et donc de ne pas fausser l'interprétation des résultats. C'est Martin qui s'occupera du reste des analyses biologiques à son retour au Canada. Sean et Shelley interprèteront quant à eux les profils radar à l'Université d'Otago, tandis que nous nous chargerons à l'ULB des analyses chimiques, cristallographiques et mécaniques des carottes de glace. Le voyage n'est pas encore fini pour moi, puisque je serai la semaine prochaine à Hobart, en Tasmanie, afin de visiter un laboratoire mondialement reconnu pour l'étude de la résistance physique de la glace (rhéologie). Etant nous-mêmes actuellement occupés au Laboratoire de Glaciologie de l'ULB à mettre sur pied une cellule permettant ce genre d'études, je suis sûr que cette visite sera très instructive. Mais ça, c'est déjà le début d'une autre histoire...

C'est donc ici que se termine officiellement notre expédition en collaboration avec Antarctica New Zealand. Cette aventure, comme toute aventure polaire, nous aura tous marqués, tant par les conditions rencontrées que par cet étrange mélange de force et de fragilité que dégagent les régions polaires.

Personne ne reste insensible face aux pôles.

J'aurai personnellement particulièrement apprécié votre compagnie au cours de ce périple. Ce blog en compagnie de classes du secondaire aura été une chouette expérience, que nous tenterons certainement de renouveller ultérieurement.
Merci de nous avoir suivis, et à bientôt peut-être pour de nouvelles aventures...
Cheers, mates!
Denis

Wednesday, February 7, 2007

Polar Plunge...

Je vous racontais il y a peu comment la base se préparait pour l'hiver. Je ne croyais pas si bien dire. Sans doute influencés par les phoques, certains techniciens ont profité ce matin du peu de monde dans la base pour organiser une distraction assez cocasse : un "polar plunge". Traduisez : un plongeon polaire. Le but du jeu en est très simple : creuser un trou de quelques mètres de profondeur dans la glace flottante jusqu'à y atteindre l'eau de mer, et puis sauter... En compagnie de quelques intrépides, j'ai testé pour vous (on est d'origine gauloise ou on ne l'est pas) afin de ressentir l'effet d'une chute accidentelle dans l'eau en cette saison. Je vous avoue que je ne recommencerai pas de si tôt! Température de l'eau : environ moins deux degrés. L'eau de mer est en effet tellement chargée en sels que son point de fusion est largement diminué et devient bien inférieur à celui de l'eau de votre robinet. Sous la glace, l'eau de mer n'est donc pas gelée d'un point de vue physique (on dit alors que l'eau de mer est en surfusion), mais vous gelerez bien si vous y restez trop longtemps!!! (puisque votre corps contient moins de sels que la mer). C'est donc une activité à risque, que vous ne devriez pas tenter sans y être bien préparés! Choc thermique, ralentissement brutal de l'activité cardiaque et respiratoire sont au rendez-vous si l'on n'y prend garde. Cet événement était cependant ici bien préparé par les techniciens, avec l'aide du médecin en chef, du responsable logistique et d'un guide de montagne. Elle fait partie du folklore de la base, où elle est organisée à la fin de chaque saison (càd deux fois par an - j'aimerai encore moins la pratiquer en hiver). Quoi qu'il en soit, je vous laisse le loisir d'admirer la scène... Quelques instants d'espièglerie dans ce monde de froid et de science... Vous remarquerez la magnifique combinaison que j'arbore (assemblage de vêtements oubliés et autres déguisements provenant de la base). Je l'ai proposée au staff du coin pour la tendance de l'été prochain... Réaction quelque peu mitigée... Je ne sais pas si mon compagnon Superman ci-dessous (alias l'ingénieur en chef) aura mieux convaincu...

Ils sont fous ces Kiwis!!!

Denis

Visite des autochtones

Mais qu'est-ce donc que cette masse diforme sur tapis blanc? Les fans du Commandant Cousteau l'auront remarqué au premier coup d'oeil: c'est un phoque bien sûr! Nous sommes allés rendre visite ce matin à certains d'entre eux qui s'adonnent aux plaisirs de la plage non loin de la base. Ils sont rassemblés à proximité de ce qu'on appelle ici les "pressure ridges", ces énormes fractures et crêtes produites lors de la formation de la glace de mer des la fin de l'été. Elles peuvent avoir plusieurs mètres de haut et de long, et constituent un habitat idéal pour les phoques de par l'accès à l'eau et la protection contre les vents qu'elles procurent. Elles constituent par contre pour nous un réel danger, c'est pourquoi nous sommes accompagnés d'un guide de montagne qui connaît bien le terrain.
Les règles environnementales sont très strictes au sein d'Antarctica New Zealand. Comme l'avait déjà souligné Frank, tous les déchets produits lors des missions sont rapatriés en N-Z afin de limiter au maximum notre impact sur le continent. Il en est de même avec les animaux. Un phoque ne peut ainsi être approché à moins de 10 m. Il est également interdit de s'adresser directement à lui par gestes, bruits ou cris. Ces règles sont tellement respectées ici qu'elles posent parfois problème, notamment lorsqu'un phoque se trouve justement sur une route en zone dangereuse : on ne peut en effet ni quitter la route, ni provoquer la fuite de l'animal. Il ne reste qu'à attendre que l'animal veuille bien déplacer sa gracieuse masse de graisse.
Voila, c'était l'histoire du jour...
A la prochaine,

Denis

Monday, February 5, 2007

L'hiver s'installe en Antarctique

Aujourd'hui j'ai recroisé Léo, le collègue espagnol qui comparait la région à la Costa del Sol au début de notre séjour. Il a bien changé change d'avis depuis. Finies les températures proches de 0 degrés que Frank évoquais au plus fort de l'été. Le mercure est en-dessous de -15 °C à présent, ce qui dehors, sous l'effet du bon petit vent, équivaut en ce moment à environ -30 degrés. La trajectoire du soleil commence également à s'approcher peu a peu de l'horizon, ce qui signifie moins de lumière et de chaleur. Les nuages s'alourdissent et la neige commence à tomber... C'est l'hiver qui s'installe.
Et Scott Base, notre base de transit pour quelques jours, s'adapte. Toute la base s'apprête pour la mauvaise saison. Pratiquement tous les scientifiques ont quitté le navire la semaine dernière, et nous-mêmes, nous quitterons la base dans quelques jours. Ne reste à présent comme personnel que ceux qui resteront pour l'hiver et qui entretiendront la base jusqu'à l'été prochain. Nous avons ici un cuisinier, un électricien, un opérateur télécom, deux ingénieurs, un charpentier, un mécanicien et un aide-ménage. Tout ce qu'il faut pour faire tourner les machines...
La station McMurdo voisine se prépare elle aussi. Un brise-glace vient d'entrer au port, qui tracera bientôt la voie dans la glace pour un énorme navire cargo rapatriant du matériel logistique et scientifique vers la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis. C'est ce trajet qu'emprunteront nos échantillons et notre matériel ; ils prendront ensuite la direction du port d'Anvers, où ils arriveront l'été prochain. D'ici-là, nous aurons interprété les données radar, et pourrons dès lors bien cibler les analyses à effectuer sur les glaces rapportées. Je vous laisse à présent - nous avons justement à réorganiser le matériel dans les malles, et à traiter certains échantillons de glace pour déjà en récolter quelques données sur la biologie.
A demain,
Denis

Sunday, February 4, 2007

Retour sur Scott Base #2

Salut la compagnie! Comment va la vie au pays du soleil absent (la Belgique pour les novices)?
Tout va bien pour nous quatre ici a Scott Base. Nous venons juste de rentrer du terrain. Le temps de prendre une douche, de manger un morceau (non lyophylisé), et je vous écris déjà. Comme prévu, le vent nous a accompagné durant tout notre séjour. Les premiers jours étaient les plus pénibles, avec des vents soufflant en moyenne à 75 km/h et des rafales allant jusqu'a plus de 120 km/h... Cela nous a un peu mis la pression au début, car nous pensions avoir à travailler dans ces conditions durant l'entièreté de la mission. Trouver le sommeil dans notre tente n'était pas vraiment facile non plus. Mais le vent s'est quelque peu calmé par après, nous laissant juste de quoi nous déplacer normalement (càd en position verticale et non inclinés a 30 degres face au vent...).

Nous avons commencé le travail de terrain par effectuer une reconnaissance à pied de la zone à étudier, ce qui nous a pris environ deux jours. Puis ont débuté les études radar et le carottage de la glace. Tout s'est bien déroulé en général. Nous avons bien rencontré quelques pépins sur place, mais nous nous y attendions un peu, étant donné que le coin nous était inconnu. Les données recueillies suite aux études radar et au carottage nous aideront à mieux cerner l'histoire de la formation des calottes de glace flottantes en bordure du continent. Ceci est important si l'on veut comprendre comment réagit le continent antarctique face à des changements environnementaux importants (comme ceux rencontres p. ex. de nos jours).

Des échantillons de neige, d'eau et de glace ont également été prélevés afin d'en étudier l'activité biologique. Et oui, la vie est possible dans la glace, même en conditions extrêmes. Elle est par contre très rare et fragile. Il suffit juste de quelques gouttes d'eau liquide et de sels minéraux bien dosés pour que des mousses, des lichens ou des algues se développent. Les diverses formes de vie rencontrées ici sont souvent très simples et primitives. Mais elles sont du genre coriace! Elles sont issues d'un long et lent processus de sélection naturelle, qui les a rendues parfaitement adaptées à cet environnement. Des espèces provenant des fonds marins sont également présents dans la glace (éponges, coquillages). C'est la dynamique de la glace qui les a amenés jusqu'ici, en surface. Celles-ci ajouteront encore une pièce au puzzle que nous essayons de reconstituer. Comme Frank dans les Dry Valleys, nous avons également observé des phoques mommifiés, morts sans doute perdus ou affamés. Ajoutons aussi a la liste un jeune manchot, parfaitement préservé.

Voici une photo de notre camp à Minna Bluff, avec en fond le Mont Discovery (2681 m). Il s'agit d'une montagne historiquement célèbre, car elle a ainsi été nommée par Scott du nom de sa fameuse expédition lancée en 1901. Son navire portait le même nom. Cette montagne constitue l'un des plus beaux éléments du paysage de la baie de McMurdo. On s'y attache très vite, car elle est inmanquable de par son allure et change constamment d'apparence suivant les conditions météo. Elle se trouve d'ailleurs probablement sur la majorité de mes photos de terrain...
Content de vous retrouver,
Denis